un garçon, la lune, sa fiancée ou la réalité plus magique que le rêve...

 

 

une Amie de rêve

 

 

Quand je rentre de l'école après l'étude, je fonce chez moi pour m'occuper de mes jouets. Ils sont restés toute la journée sans moi et c'est bien long pour de si petites choses. Je leur raconte à peine quelques trucs que déjà ma mère, hop, déboule dans ma chambre.

 

- Dépêche-toi ! Le dîner est prêt ! Et n'oublie pas de te laver les mains avant !

 

Bon prince, j'abandonne mécano et petites autos. 
OK ! Plus vite j'aurais mangé, plus vite je reviendrais. 
Radis, purée, jambon. Chouette ! Tout ce que j'adore. Je me fais d'abord une montagne de sel que je mouille ensuite avec les radis. Puis j'attaque le beurre en piqué.

 

- T'as pas encore fini Théo ? Ta purée va refroidir.

 

Bon, je me dépêche d'exterminer tous les radis. Pas de problèmes, la purée c'est mon plat favori. Avec le jambon, je me construis des soldats, des montagnes et des maisons. Après, je trace les routes et les ponts.

 

- Encore un peu de jus, s'il te plaît !

 

C'est pour les rivières. Il faut ce qu'il faut ! Les soldats qui n'arrivent pas à avancer, je les mange. Les montagnes qui me gênent, je les mange. C'est simple la vie ! Parfois, on parlemente mais pas trop, parce qu'il faut se dépêcher de finir... Voilà le dessert. Des fruits. Chic, je peux emporter une reinette dans ma chambre. Ça me rappelle une histoire de quelqu'un qui a croqué une pomme mais bon, je vois dans les yeux de ma mère que ce n'est pas le moment... Une fois dans ma chambre, je règle mes comptes avec tous mes copains de l'école et je fais aussi la morale à ma maîtresse. Il n'y a pas de raison pour que ce soit toujours elle qui ait le beau rôle. 
Je raconte à Gertrude, c'est ma grenouille, où j'en suis avec l'amour. Avec Léna, quoi ? Léna, c'est ma fiancée en secret. Chut, elle ne le sait pas que je l'appelle comme ça, c'est seulement dans ma tête que je le dis. Gertrude a toujours quelque chose à faire. Il faut qu'elle monte le long de son échelle, qu'elle descende, qu'elle remonte, qu'elle redescende, bref elle a son travail elle aussi. Quand mon père entre brusquement dans ma chambre.

 

- Encore en train de rêver Théo ! Et tes devoirs ?

 

Ah, les devoirs ! Pourtant, je reste à l'étude exprès. Mais la maîtresse, elle a ses copies à corriger, alors le reste, elle-a-pas-le-temps! Une fois que tout mon petit monde est passé pour me faire la bise, je me relève pour tirer le rideau. 
Et elle est là !!! 
En hiver ou en été, elle est toujours là. Pour moi tout seul ! 
OK, je sais bien que la lune est là aussi pour les autres. Mais je me demande quand même s'il n'y en a pas deux, de lune, celle pour tout le monde et la mienne. Sa lumière se glisse jusqu'à mon lit. C'est sa façon à elle de me parler. Alors là, je peux prendre le temps que je veux. Même si je tombe dans le sommeil, c'est pas grave. On continue à se parler. Elle comprend tout. Magique, non ! 
Et c'est de nouveau le matin. La cavalcade recommence... La queue à la salle de bains, le chocolat brûlant qu'il faut engloutir dare-dare, les tartines que j'ai fait et qui tombent du côté de la confiture, celles que je n'ai pas le temps de faire, les dents, le cahier qu'il faut faire signer... A ces moments-là, mes parents ressemblent à deux abeilles butineuses ou plutôt, non, à deux mouches qui n'arriveraient pas à trouver la sortie. Bon, ouf, ça y est, l'école est en vue.

 

Mme Annie, c'est ma maîtresse nous donne une rédaction. 
Sujet : racontez un de vos rêves. 
La journée débute plutôt bien. C'est mon rayon, les rêves, j'en fais des tonnes. Il faut pourtant choisir. Celui où j'embrasse Léna. Non, ça va faire jaser. Celui où je me suis pris pour un aviateur, que j'ai menti à mes parents pour... Non, si après elle le répète. Alors celui où j'ai sauvé toute une ville car j'ai reconnu des bandits à la poste...

 

- Stop, c'est l'heure ! Rendez-moi vos copies.

 

- Alors, Théo, tu es encore dans la lune ?

 

Encore une rédaction de loupée ! 
Enfin, c'est la récré ! Je cours rejoindre mes copains dans la cour. Aujourd'hui, on doit se mesurer aux billes. Je perds presque tout le temps. Normal, on-me-laisse-pas-le-temps-de-gagner ! 
Pourtant, au début, ça commence plutôt bien. Je vise, le geste large, les cheveux dans le vent, je fais celui qui est concentré et puis c'est après que ça dégénère. Quand presque toutes les billes sont autour du gallot, je vois le reflet des jaunes dans celles des bleues, le temps que je regarde tous les verts qui se sont créés, je perds le fil. 
Moi, je m'en fous de gagner, c'est plus beau de voir les couleurs de l'arc-en-ciel dans les billes...
 Pour retrouver un peu de mon prestige, je raconte à mes copains le dernier film que je suis allé voir au cinéma. Ils sont vissés sur leurs baskets. C'est pas tellement que j'ai vu beaucoup de films, mais comme je change les versions à chaque fois, ça finit par faire. 
La cloche sonne. De nouveau la classe, où de toutes façons je n'aurais jamais le temps de faire quoi que ce soit de réfléchi car la maîtresse file telle une fusée. extrait Corinne Brisco