"ne crois pas que tu t'es trompé de route quand tu n'es pas allé assez loin" Benjamin Franklin



 

Tout a commencé en Provence, à Auriol précisément, il y a fort longtemps...

 

Un maître santonnier, aujourd'hui disparu, René Pesante a ouvert à la parisienne que j'étais devenue, son antre. Avec scepticisme au début, les filles de la Capitale venaient, c'était sûr, dans le Sud pour le soleil et la piscine. Mais devant mon entêtement, René a finalement cédé et m'a initiée à quelques uns de ses secrets. Nous avons passé de délicieuses heures dans la moiteur de l'argile et la fraîcheur du plâtre. Son compagnon, Sauveur Ascia, en m'ouvrant ses armoires immenses emplies de piles de tissus anciens, de dentelles, de boutis, de satin, de rubans de soie, d'organza, de tulle soigneusement rangés a effacé en moi la certitude auquelle je tentais d'adhérer à Paris, dans le monde des grands, plus de rêves, que des salaires et des horaires. Un monde étrange et joyeux a scintillé devant moi, les santons pouvaient être grands et habillés, tels des marionnettes. Dans la maison-atelier de ces deux artisans-artistes, les grands comme les petits santons pétillaient de vie avec une foultitude de détails plus vrais les uns que les autres. Un monde entier était ainsi à l'abri du monde. Attendant de naître à la lumière de l'Avent.

En dépliant les étoffes avec douceur et en habillant les figurines avec respect, Sauveur a gravé en moi la beauté de chaque pièce confectionnée. Des piles de costumes sur mesure ça éblouit !!!  Et a renoué en moi, à son insu, le travail des mains de  mes deux familles ainsi que celle des peuples de tous les temps.

Ces deux hommes, parmi les meilleurs de leur profession, quelle chance de les avoir côtoyer ! ont su abreuver par leurs passions mon cœur d'enfant si serré alors, le libérant d'axiomes commerciaux. Les rêveurs auront toujours leur place dans ce monde. Vivre de ses mains était encore possible !

Qu'ils en soient remerciés ! là où ils se trouvent aujourd'hui !

 

Rentrée à Paris, il m'a fallu encore une seconde chance, celle d'habiter en face d'un atelier de modelage. C'est donc au milieu d'enfants que, le soir et le week-end, je venais "fabriquer" mes petites marionnettes puis les peindre, les émailler... un monde à moi prenait vie lentement ! en moi et à l'extérieur de moi !

Puis un autre atelier puis l'atelier chez moi.

 

En Provence revenue, à Cotignac, la chance encore d'habiter non loin de Kate Malone, la grande artiste britannique. Personnalité solaire, céramiste passionnée qui crée des "pots" gigantesques, odes à la Nature, qui m'a remise entre les mains de la terre, quel privilège de façonner ce matériau puissant et vivant, là aussi j'ai appris.

Puis l'école de Varages pour un CAP à 48 ans, j'ai plongé dans ce monde de transformations comme dans un bain de jouvence. La terre, l'eau, l'air, le feu, ça ne veut rien dire sur papier, tant il faut le vivre en réalité, tant c'est physique ! tant c'est la magie à chaque instant !

Le corps tout entier est l'outil principal dans ces métiers. Car il y a métier au pluriel !

 

Je pourrais raconter des anecdotes pendant des heures mais le mieux est de vous inviter, à votre tour, à faire partie de la sempiternelle ronde des gens qui créent avec leurs mains, qui s'en émerveillent et qui le transmettent...

 

 


 

Pour "faire" une pièce, plusieurs méthodes existent depuis très longtemps, au tour, par coulage, à la main. J'ai opté résolument pour la plus ancienne voire la plus archaïque façon de "faire à la main", je veux parler de l'estampage. Dans un moule en plâtre ou autre, j'agglutine petite boule de terre par petite boule de terre, me servant largement de mes pouces pour assembler, réunir, unifier, faire tenir, lisser la terre. Très peu d'instruments sont nécessaires et c'est en cela que cette méthode m'a happée. A chaque fois, je sens l'argile vibrer entre mes doigts, quémandant d'elle-même l'eau ou la pression manuelle. L'émerveillement est là : à chaque pièce, je me sens vivre et œuvrer comme aux premiers temps de l'humanité ! Si attendrissant et si simple que je suis prise dans le "faire". Inlassablement, j'assemble et je lisse.

 

Ensuite viennent le séchage et le décor avant ou après émaillage (ou les deux) avec ou sans engobage, puis la cuisson au minimum deux fois.

 

Le fil rouge de ma vie étant la couleur, j'ai pris et appris à bras le corps, la délicate et aventureuse façon de solidifier une pièce tout en la colorant. Comme dans ma cuisine, je pèse, ajoute, retire, saupoudre, fait fondre, enrubanne, tourne, mixe les pigments naturels et chimiques à l'émail neutre. Tout doit être noté, les bulles, les tiraillements, les tressaillements, les cloques, les ratés, les collés, les brûlés, les trop-brillants, les pas-cuits, les irisations, les matités, les crémeux, les satinés, les fondants. La cuisson, ici en four électrique, pour la vitrification par le feu est un métier en soi avec ses durées et ses températures propres.

 

Vous l'aurez compris, une pièce nécessite d'être prise en main de multiples fois, pour la faire, la sécher en différents endroits, la décorer en plusieurs étapes, la re-sécher, l'émailler, la re-re-sécher, la refroidir. De par toutes ces manipulations artisanales, la pièce créée est unique.

 

J'ai choisi la forme ronde, pure, oserais-je dire la forme de la nature. Il me plaît de voir danser mes créations entre elles, beaucoup moins parfaites que d'autres créées au tour donc beaucoup plus proches de moi.

 

Tout me passionne dans la couleur, entre opacité et transparence, entre montrer et cacher, entre dire et se taire, les gammes sont à l'infini.

 

Et comme je chéris l'idée que chacun ait sa maison avec à sa portée des contenants où peut venir s'abriter une fleur, un légume, une tapenade ou des bijoux, je façonne des ronds qui peuvent contenir.

 

Cette aventure, je l'ai tentée surtout en terre vernissée. Avec l'argile rouge de Salernes pour la sensualité de sa glaise ainsi que pour la couleur inimitable qu'elle procure. Egalement en grès de différentes teintes et en porcelaine pure, chaque terre possède son charme et son élégance. C'est un grand privilège de travailler ces matériaux, ils m'ont tous énormément appris sur eux et sur moi. Les quatre éléments naturels, la terre, l'eau, le feu et l'air étant de rudes protagonistes, patience et persévérance, entre autres, sont des penchants que tout céramiste cultive avec soin.

Voilà ce que je vous peux vous offrir aujourd'hui comme trace de mon humanité.

 

 

 

 

 

Après avoir beaucoup transporter mes pièces céramiques crues de garage en garage, sur ma route, j'ai eu la surprise de trouver un garage plus accueillant et plus habité que les autres. J'y ai donc ouvert mes cartons.... alors malgré les casses inévitables, les petites "morts" nécessaires sur le chemin de l'initiation, je reprends avec gratitude et humilité le chemin des bols, du vivant, du cycle des transformations, créations et re-créations, de la persévérance et de l'espérance !



 

 

 

 

 

 

2020 tout en rondeur ! tout en douceur !

La recherche de nouvelles couleurs commence…

Pour février, un bleu d'hiver ensoleillé !

et hop !

 


 

 

 

2022 sera-t-il en...

céramiques...

en images...

en textes...

dans la charade,

c'est le tout qui a la bonne réponse