un garçon, ses cheveux et son chat ou la réalité plus magique que le rêve...

 

des Oiseaux plein la tête

 

Je ne sais pas encore quelle mouche les a piqués mais depuis un certain temps déjà ils sont tous devenus fous. Rien ! D'habitude, ils ne sont d'accord sur rien ! Et là, pauvre de moi, ils me tombent tous dessus. Ils ont dû comploter ma parole ! Et pour me dire quoi ? Pour me dire d'aller me coiffer ! C'est-y-pas bête ça ? On croirait pas, hein, que des adultes s'amuseraient à raconter n'importe quoi. Et ben, si. Et ça tombe sur moi. Pas de veine.

 

Et chacun y va de sa chanson. Et plusieurs fois par jour, encore. Ils me saoulent... Aucun respect pour ma petite personne.
C'est sûrement parce que je suis le dernier né. Ils doivent ressentir le besoin d'éduquer quelqu'un de temps en temps. Tu parles d'une purge. Là, ils sont ravis. Pourtant est-ce que je leur fais des reproches, moi ? Non, alors, bon. Parce que je sais que ça fait de la peine, moi, les reproches. La preuve ! Pourtant, j'en aurais des choses à leur dire. A ma grande sœur, par exemple. Avec sa jupe trop serrée qui remonte traîtreusement à chaque fois qu'elle respire. A mon père qui mange le quignon de la baguette avant le repas alors qu'il n'arrête pas de nous bassiner avec ses leçons de savoir- vivre. A ma mère qui ne me croit pas quand j'ai vraiment peur la nuit. Même ma grand-mère qui me dit qu'un jour elle va vraiment mourir avec mes bêtises.

 

Ah, non, j'en ai vraiment assez ! Ils finissent tous par m'énerver. Heureusement que j'ai un secret à moi tout seul.
Mais je fais quand même celui qui boude. Il ne faut pas faire l'indifférent car ça agace. J'ai remarqué ça aussi. Et on ne sait pas ce qu'ils inventeraient sinon. En fait au fond de moi, je suis bien content. Toujours à cause de mon secret.
Quand je passe mes doigts dans mes cheveux, ça ressemble au ventre de Krypton. Touffu et chaud à la fois. Krypton, c'est mon chat. Et la nuit quand il s'endort contre moi, je le cherche parfois pour sentir où il est vraiment. Et aussi pour pas l'écraser !

 

Ils en hurleraient d'envie s'ils savaient que sur ma tête j'ai réussi à garder cette douce sensation à portée de ma main. Je la transporte toujours avec moi. Et quand j'ai envie de ne pas me sentir seul, je passe ma main sur ma tête et hop, c'est douillet comme au fond de mon lit.

 

Quelle chance j'ai, n'est-ce pas ?
Pourtant les autres ne savent plus quoi inventer. Ils me disent maintenant que des oiseaux vont venir nicher sur ma tête. N'importe quoi ! Ils peuvent se moquer, cela ne me fait ni chaud ni froid. Bien sûr, Krypton me suit tout le temps, mais c'est pas à cause des nids, c'est parce qu'il m'aime. Mais ça, ils peuvent pas comprendre. Même à l'école, les autres rient de moi. Ils gesticulent autour de moi pour toucher le nid qu'ils disent. Alors que moi, je sais que c'est pour toucher à mon secret.
Heureusement Krypton m'accompagne. Quand je me mets en colère, il sort les dents et les enfants s'éparpillent en courant. Les oiseaux aussi d'ailleurs.
Ah, oui, je ne sais pas pourquoi mais il y a aussi des oiseaux qui me suivent à l'école tous les jours. A force de m'avoir prédit des nids, ça y est, les oiseaux y croient aussi. Moi, je m'en fous.
Je suis même secrètement ravi d'avoir cette escorte autour de moi. Mais je ne le montre pas. Chez moi, je fais tout ce qu'on me demande. Ils n'en reviennent pas. A l'école, je passe impassible devant les autres. Et je m'assois au premier rang pour bien leur montrer combien je suis heureux. C'est vrai, avoir un chat et des oiseaux qui m'aiment autant, c'est pas commun, hein ! Ça fait un peu de boucan en classe mais c'est bien agréable quand même!
Pour rentrer à la maison, j'ai changé de chemin. Je passe par la ville. Y' a plus de gens que par le bois. Il faut ce qu'il faut, quand même. Pour ne semer personne, je lorgne dans les vitrines. Il y en a du monde ! Je suis peut-être un peu plus seul qu'avant. Car mes copains me suivent à distance. Ils ont peur du chat. Mais je vais quand même faire durer un peu le plaisir ...
C'est pas mal finalement de passer par la ville. L'air de rien, je repère les jouets pour Noël, les bonbons que je vais troquer à l'école. Y a du bon de faire le fier avec son secret. J'en profite aussi pour passer tous les jours devant chez Léna.
D'habitude, je me creuse la cervelle à fond pour trouver un malheureux prétexte, la réparation du tabouret de la cuisine, le bois pour la cheminée, je ne sais plus quoi encore... Même que mes parents croient que j'ai la vocation.
Quand je vous dis qu'ils ont déjanté ! Etre menuisier et puis quoi encore ?
Enfin revenons à nos amours. extrait Corinne Brisco